Attachez Vos Ceintures!

L’Art du Road Trip

Europe — Pause déjeuner sur la Côte d’Azur, France

Van Volkswagen, cheveux au vent et pauses “cigarette”. Associé aux jeunes bohèmes en quête d’aventures, le road trip a longtemps été perçu comme décalé. Alors que notre soif de liberté nous pousse à nouveau sur les routes, cette façon de voyager de plus en plus recherchée est peut-être, finalement, exactement ce qu’il nous faut.

Démarrer le moteur. Chausser ses verres fumés. Lancer sa playlist préférée. Et s’élancer vers l’inconnu. Face à soi, l’autoroute des possibles : des kilomètres de paysages, de rencontres, de détours, d’imprévus, de pauses photo, de bains de mer ou de balades impromptues. À chaque tournant un scénario différent. Voguer où bon nous semble, sans attache ni contrainte. Il n’y a pas de sentiment plus galvanisant que de se laisser porter par les opportunités qui se présentent le long du chemin.

Celle qui dormait jusqu’alors tranquillement dans le garage nous apparaît soudain sous un nouveau visage. Un temps démodé, le voyage en voiture nous procure à nouveau un sentiment d’excitation et de liberté. Comme toute une génération avant nous. On se retrouve soixante-dix ans en arrière : C’est le début des années 50, les Trente Glorieuses, les congés payés de 1936, le lancement de la Renault 4CV et un pouvoir d’achat au beau fixe. Tous les ingrédients sont réunis pour voir les Français déferler sur les routes du pays. Un vent d’euphorie souffle à travers les fenêtres grandes ouvertes. Pour les guider, les automobilistes peuvent compter sur le guide Michelin. Afin d’encourager les gens à voyager en voiture, et ainsi booster leurs ventes, les producteurs de pneus André et Edouard Michelin ont l’idée de génie de distribuer gratuitement un guide recensant stations-service, hôtels et restaurants. On connaît la suite.

Australia — Les surfers de Byron Bay, Australie

Mode d’emploi

Commencez par choisir votre destination. Le road trip se prête parfaitement aux immensités. Australie, États-Unis, Europe. J’ai eu la chance de découvrir des segments de ces trois continents. Et à chaque fois, l’expérience fut merveilleusement différente, que ce soit en termes de conduite, de paysages et de rencontres. L’Europe, qui regorge de villes et de villages charmants, est propice aux étapes impromptues et aux explorations régionales. Séduit par l’énergie d’une métropole comme Bordeaux, la beauté de pics bavarois ou l’architecture d’un village toscan, il suffit de s’arrêter au gré de ses envies.

Aux États-Unis comme en Australie, les distances sont bien plus importantes et les zones désertiques particulièrement vastes. Relier Sydney à Cairns équivaut par exemple à rejoindre la Finlande depuis la Turquie. Des jours entiers de conduite sont parfois nécessaires entre deux étapes. Et il n’est pas rare d’évoluer pendant plusieurs heures dans l’arrière-pays australien, où la population se compose principalement de faucons, de varans et de wallabies, sans croiser un automobiliste ni une station-service. L’absence de réseau vient renforcer un peu plus le caractère sauvage de ces zones reculées et procure un sentiment de solitude unique. Les paysages apparaissent encore plus majestueux, la nature plus précieuse. Comme moi, vous aurez peut-être la chance de voir traverser devant vous une famille de cassowaries, ces grands oiseaux au cou bleu, longtemps menacés de disparition, qui semblent tout droit sortie de Jurassic Park.

Afin d’éviter la panne d’essence dans le Centre Rouge ou le manque de vivres dans la vallée de la Mort, il est préférable de définir son plan de route en amont et de ne pas oublier son sandwich. Pour garder les conducteurs alertes, les autoroutes australiennes, qui disposent de très peu d’aires de repos contrairement aux grands axes européens, sont ponctuées par endroits de “driver reviver” qui servent du café aux automobilistes – ne cherchez pas la caisse, c’est gratuit! Aux États-Unis, selon la région, vous pourrez trouver après plusieurs heures de route un steak d’élan servi dans l’unique auberge de l’État ou une ribambelle de chaînes de fastfood et de supermarchés XXL. Un contraste avec les boulangeries françaises et les trattorias italiennes qui habillent les routes européennes.

Contrairement aux autoroutes européennes terriblement monotones, leurs consoeurs anglophones offrent un spectacle sans cesse changeant. Plus étroites, elles se fondent dans la nature, alternant paysages désertiques, montagneux, côtiers, bucoliques… Pour s’assurer que vous ne passiez pas à côté, en Australie, les plus beaux segments sont même indiqués par des panneaux “tourist drive”. Se faufiler entre la grande barrière de corail et les reliefs luxuriants de la plus vieille forêt tropicale du monde, longer les forêts d’eucalyptus et les plaines de sable rouge d’Uluru, les eaux turquoise des Florida Keys, les canyons de l’Utah, les pics enneigés du Colorado ou encore les séquoias géants du nord de la Californie, vous ferez le plein de merveilles sans même quitter la route.

Les charmes européens, eux, se font davantage désirer. Plus discrets, il faut aller les chercher. Quitter les grands axes et emprunter petites routes et chemins de traverse. Vous serez alors récompensés de villages médiévaux, d’épaisses forêts, de champs de vignes et de points de vue époustouflants. Comme l’a très justement dit l’écrivain et grand voyageur écossais Robert Louis Stevenson, “l’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage.”

Sur votre chemin, vous ne rencontrerez pas seulement des paysages. Sur les petites routes d’Europe, les commerçants, avec leurs accents divers et chantants, prendront souvent le temps de vous renseigner. Fins connaisseurs de leurs régions, c’est sur leurs conseils que vous enrichirez votre plan de route. Mes plus belles promenades méditerranéennes, de la Côte d’Azur aux Cinq Terre, je les dois aux hôteliers qui m’ont hébergée. Dans un pays comme l’Australie, particulièrement adapté aux routards, vous croiserez de nombreux autres voyageurs la besace pleine de recommandations. Le road trip y est un sport national. Les vans colonisent les bords de plage et les jeunes étrangers les hôtels abordables. Même les locaux partent en vacances le coffre plein. Il suffit de jeter un œil aux campings australiens, très bien équipés et qui jouissent des meilleurs emplacements, pour en saisir la popularité. Météo, plages sauvages et bar à cocktails branchés, il suffit de demander.

Sur la route de Monument Valley, Etats-Unis

Le Colorado creuse son sillon à Horseshoe Bend, Arizona, Etats-Unis

Il existe deux façons d’aborder cette aventure nomade : préparer chaque étape de son voyage en amont ou vivre au jour le jour. Le van aménagé et le camping-car sont bien sûr des options, mais vous risquez d’être limité par les aires de stationnement. Si vous voulez un minimum de confort, optez pour la voiture et l’hôtel. Avec une densité et une offre hôtelière importantes, vous n’aurez pas de mal à trouver un hébergement de dernière minute dans les villes et villages européens – évitez toutefois les zones balnéaires en plein été. Aux abords des parcs nationaux et dans les zones reculées australiennes et américaines, l’offre est plus restreinte et les prix plus élevés. Afin d’éviter de dormir dans sa voiture ou de vider son compte en banque, il est préférable de réserver à l’avance, avec la possibilité d’annuler en cas de changement de cap.

Lors de mon récent voyage dans l’Est australien, des pluies inhabituelles et des inondations majeures m’ont forcée à revoir entièrement mon itinéraire. Conséquences du réchauffement climatique, ces épisodes météorologiques vont certainement devenir de plus en plus fréquents. Il nous faudra alors faire preuve de flexibilité. Et c’est là tout l’attrait du voyage en voiture. Il nous offre cette liberté de changer de cap. Contrairement au trafic aérien, vous êtes votre propre pilote. C’est peut-être ça, le voyage de demain.

Hôtels

De l’Australie aux États-Unis en passant par l’Europe, voici une sélection d’hôtels extraordinaires qui se situent dans des régions que notre auteure recommande d’explorer en voiture.