Alors que la « vie sociale » de l’hôtel boutique s’était confortablement enorgueillie de son exclusivité – à tel point que les clients avaient du mal à obtenir leur laissez-passer – désormais les hôtels redoublent d’efforts pour s’insérer dans la communauté qui les entoure.
Aux commencements de Tablet, les tendances à suivre résultaient principalement de batailles de style : modernisme austère et minimaliste versus courbes futuristes et formes théâtrales signées Philippe Starck versus décoration néo-baroque. À contrario, les hôtels boutiques d’aujourd’hui sont entrés dans une phase de transformation visuelle puisant sans contrainte dans les tendances qui ont marqué l’histoire du design, empruntant à certaines un déjà-fait sans risque, à d’autres une reconnaissance historique. Mais si vous ne tenez compte que du visuel, vous risquez de passer à côté de l’essentiel : la plus grande révolution qui touche le monde hôtelier est conceptuelle. Aujourd’hui, les meilleurs hôtels sont des espaces sociaux, ouverts comme jamais sur le monde qui les entoure. Alors que la « vie sociale » de l’hôtel boutique s’était confortablement enorgueillie de son exclusivité – à tel point que les clients avaient du mal à obtenir leur laissez-passer – désormais les hôtels redoublent d’efforts pour s’insérer dans la communauté qui les entoure.
Il n’a jamais été aussi facile de vivre comme un local.
Cette réalité peut avoir différentes significations, et les interprétations sont aussi variées que les hôtels eux-mêmes. Un restaurant dirigé par un chef du quartier, un bar animé par un barman du coin, un café qui se fournit chez un torréfacteur local, voilà autant d’idées pour mettre le pied à l’étrier. Il n’est plus question pour les hôtels boutiques d’imposer ce qui est tendance dans une autre ville ou un autre pays, ou d’essayer de recréer un concept unique quelque soit le lieu. Les établissements les plus réputés, et même s’il s’agit de chaînes hôtelières, font en sorte de s’adapter à chacun des lieux dans lesquels ils s’implantent – prenez les hôtels Ace par exemple : ils ne cherchent pas à reproduire à Londres ou à la Nouvelle-Orléans l’atmosphère années 90 de Seattle, mais préfèrent puiser et mettre en valeur ce qui fait la spécificité de Shoreditch ou du Warehouse District.
Ainsi, la Chicago Athletic Association, a gardé l’essence de ce qu’elle fut, et quand les architectes et décorateurs Roman and Williams s’en sont emparés ils ont réussi à conserver son cachet historique tout en la façonnant à l’image, non seulement des jeunes voyageurs, mais aussi des jeunes de Chicago attirés par sa vie nocturne (et le deuxième Shake Shack). Pendant ce temps-là à New York, le vaste atrium de l’hôtel the Beekman est devenu le centre névralgique qui a toujours fait défaut au sud de Manhattan, et ses bars et restaurants, orchestrés par les célébrités locales Tom Colicchio et Keith McNally, offrent un goût authentique de la culture culinaire new-yorkaise.
L’exclusivité ne fait plus vendre.
Que les hôtels s’investissent dans la vie sociale de leur ville n’est évidemment pas nouveau. Mais nous ne parlons pas ici de ces dames et messieurs dînant au Savoy. Non, on a plutôt en tête le Zetta de San Francisco où vous pouvez disputer une partie de Plinto géant avec un jeune étudiant ou un PDG du monde de la Tech. C’est une question d’accessibilité, et non pas d’exclusivité. Alors plutôt que d’aller applaudir Woody Allen et le groupe de jazz Carlyle, vous pourriez venir défier aux jeux de société des rockers de Coachella au Ace de Palm Spring.
Dans un établissement comme Hotel Emma, de San Antonio au Texas il est difficile de savoir où se trouve la frontière entre l’hôtel et le quartier qui l’abrite. Et c’est un bon point car ce « quartier », Pearl, est une zone de rénovation urbaine située en bord de rivière abritant une ancienne brasserie aujourd’hui divisée en centaines d’appartements et plus d’une douzaine de restaurants, cafés, boutiques, bureaux et, sans oublier bien sûr, l’hôtel Emma lui-même. Avec un tel niveau d’intégration on ne fait plus la distinction entre restaurant d’hôtel et restaurant de quartier.
L’hôtel et l’économie du partage.
Pour ce qu’elle vaut, la tendance des appartements partagés se nourrit d’un attrait similaire pour l’hyper proximité, le désir de vivre comme n’importe quel habitant, et non comme un touriste choyé. Et d’une certaine façon, ces hôtels boutiques « dedans dehors » s’imposent comme une alternative aux appartements partagés, ou du moins ils sont motivés par le même désir des voyageurs. Vous pouvez ainsi goûter à l’esprit de Williamsburg, comme si vous empruntiez à un habitant du quartier son appartement au quatrième étage sans ascenseur, sauf que vous êtes au le William Vale — où vous êtes accueillis par des professionnels qui restent disponibles 24h/24 pour s’assurer du bon développement de votre séjour.
Un bon hôtel est une expérience, et non une transaction.
En définitive, de plus en plus de voyageurs sont en train de découvrir par eux-mêmes ce que nous n’avons cessé d’écrire : c’est une question de personnalité, de caractère et d’expériences dont on se souviendra volontiers. La recette derrière tout cela? Être spécifique. Aujourd’hui, les clients à la recherche d’un hôtel à New York ne choisissent pas n’importe quel établissement, ils comparent avec attention Midtown versus SoHo versus Williamsburg versus Wall Street, et savent que leur séjour sera tout à fait différent selon leur choix. Cela à voir avec la localisation au sens pratique du terme bien sûr – l’accessibilité, les transports en commun, les sites touristiques proches ou encore le volume sonore – mais ce sont de plus en plus l’ambiance et les habitants du quartier qui pèsent dans la balance, et pour cela les meilleurs hôtels sont ceux qui vous donnent accès à cette communauté tout au long de votre séjour.