Rares sont les villes qui suscitent autant de fantasmes. Mégapole mondiale, elle est aussi connue que mystérieuse. Vous l’avez vue et revue, peut-être déjà rencontrée, mais la connaissez-vous vraiment?
On choisit une destination en fonction de l’image que l’on s’en fait. Un lieu forcément attirant, alimenté par les récits, les photos, les films qui circulent à son sujet. On s’imagine une atmosphère, une architecture, une population, un rythme, des odeurs… Différente pour chacun, cette image, plus ou moins nette, prend vie dans notre esprit. Elle alimente nos fantasmes, notre curiosité, notre envie de la rencontrer en personne.
Tokyo fait partie de ces lieux exotiques et lointains, tirés d’un autre monde, qui suscitent la fascination. On croit la connaître, ou la reconnaître, et pourtant, sa différence, sa multiplicité, sa complexité ne cessent à chaque instant de nous surprendre. C’est sa multitude de contrastes qui la rend à la fois insaisissable et envoûtante.
Une métropole moderne et bouillonnante. C’est ainsi que l’on s’imagine Tokyo, conscient d’être largement influencé par les célèbres images, néons clinquants, du Shibuya Crossing, le Times Square local. À notre arrivée, les premières impressions se révèlent fidèles à notre imagination. Le train qui pénètre dans la ville se faufile à travers des tours de verre étincelantes. Les portes s’ouvrent. On se fait happer par une gigantesque masse mouvante, un flot discontinu de costumes sombres. Une cacophonie de pas, silencieuse et ordonnée, qui fonctionne d’elle-même, comme par magie. Dans les couloirs, les indications en japonais, les plans de métro tentaculaires et les billetteries qui nécessitent d’avoir fait des études supérieures en la matière donnent le tournis. À l’extérieur, dans le quartier de la Tech, l’ultra moderne s’exprime à pleins poumons. Les centres commerciaux exhibent sur des étages entiers, dans une avalanche de sons et de couleurs, des appareils photo dernier cri, des peluches robots, des télévisions géantes et, sur des dizaines de rayons, une déclinaison d’oreillettes, accessoire indispensable du Tokyoïte pour rester connecté sans déranger son voisin et maintenir le silence religieux des rames de métro. Dans le bâtiment voisin, la stimulation sensorielle reprend de plus belle, alimentée par les rugissements et éclairs lumineux crachés par les rangées de consoles de jeux qui tiennent en haleine le Japonais qui a quitté son habit de travail. Il est tard. Les rues ne désemplissent pas.
À quelques stations de là, les portes du métro s’ouvrent à nouveau. Tokyo change radicalement de visage. Il est tôt. On ne croise pas un chat dans l’épaisse forêt, composée de près de 170 000 arbres venus des quatre coins du Japon, qui dissimule le Meiji Jingu. C’est au détour d’une allée décorée de bouteilles de saké offertes en offrandes à l’empereur Meiji et à sa femme que l’on découvre le plus grand sanctuaire shintoïste de la capitale, érigé en leur honneur. Face à nous, une vaste cour intérieure d’une rare quiétude. Deux majestueux arbres centenaires symbolisant l’amour qui unissait l’empereur et sa femme, diffusent leur caractère sacré. En face, un autre arbre à camphre accueille sur des centaines de tablettes de bois les souhaits et remerciements des visiteurs. Ceux-ci se déplacent presque sur la pointe des pieds afin de ne pas troubler l’atmosphère de ce lieu suspendu.
À quelques stations de là, les portes du métro s’ouvrent à nouveau. Ici, c’est le Tokyo de l’imaginaire collectif, celui de Lost in Translation. Au 52e étage du Park Hyatt, d’immenses baies vitrées offrent la ville sur un plateau. Son immensité est infinie. Les gratte-ciel des quartiers d’affaires surgissent entre les blocs résidentiels et les nappes vertes. Dans un luxe un peu fané, on se remplit de cette vue intemporelle. On croit reconnaître un bout de skyline new-yorkaise. Tandis que la lumière naturelle décroît, les lumières artificielles de la ville s’allument. L’atmosphère est douce et envoûtante. Les premières notes de jazz retentissent, elles accompagnent le classique cocktail – cacahuètes. L’ascenseur redescend à vive allure.
À quelques stations de là, les portes du métro s’ouvrent à nouveau. Derrière la frénétique station de Shinjuku, on aurait facilement pu passer à côté de cette minuscule allée tirée d’un autre temps. Exit les cerises confites trempées dans des cocktails hors de prix. On est ici dans le temple du yakitori, les traditionnelles brochettes japonaises. Baptisé Omoide Yokocho, qui signifie le chemin du souvenir, cet étroit passage porte bien son nom. Il nous transporte dans un autre temps avec son enfilade de minuscules restaurants percés dans les murs. Un grill dont la fumée embaume les passants, un long comptoir, une poignée de sièges minuscules qui donnent l’impression d’être assis sur les genoux de son voisin et pour certains, une poignée de marches de la largeur d’un pied qui mènent, au fond de la boutique, à l’étage supérieur. Si vous ne lisez pas le japonais, il faudra faire confiance au chef ou trouver l’un des rares établissements qui proposent un menu en anglais.
À quelques stations de là, les portes du métro s’ouvrent à nouveau. L’avenue Omotesando étire de façon insolente sa collection de boutiques de designer logées dans des bâtiments futuristes. C’est un festival de luxe et d’architecture, une course à l’audace et à la grandeur qui se décline en silhouettes d’acier, en façades de verre et en vitrines composées comme des toiles contemporaines. Les élégantes Japonaises s’accordent au décor en exhibant leurs chignons parfaitement bâtis et leurs sacs de créateurs sur les trottoirs arborés de la plus chic des rues tokyoïtes.
À quelques stations de là, les portes du métro s’ouvrent à nouveau. L’antithèse d’Omotesando s’appelle Takeshita. Les trench-coats ont disparu. À la place, une armada de chaussettes hautes portées dans des chaussures à plateforme. Les jupes sont courtes. Les cheveux sont colorés, rappelant les teintes enfantines des glaces en forme d’oursons dégustées par leurs propriétaires. Les accessoires oscillent entre le gothique et la petite fille modèle. Les panoplies de l’héroïne fantastique, de l’écolière, de la guerrière et de l’ambassadrice Hello Kitty remplissent les magasins qui encadrent cet îlot japonais où toutes les excentricités sont permises, où les conventions n’ont pas leur place, où les jeunes Tokyoïtes cherchent leur identité dans le rejet du costume cravate qui peuple les rames de métro.
On peut passer des jours ainsi, à arpenter Tokyo, à observer, de station en station, ses innombrables contrastes, ses multiples personnalités. On repart avec une idée plus précise, mais sans être tout à fait sûr, finalement, de l’avoir bien saisie. Il faudrait sans doute une vie entière pour en capter toutes les nuances, toutes les subtilités. Et c’est justement ce caractère énigmatique qui fait tout le charme de Tokyo.
Hôtels
La personnalité de Tokyo se reflète à travers ses hôtels, multiples et variés. De l’inspiration ryokan à l’établissement futuriste en passant par l’hôtel arty, vous devriez trouver votre bonheur parmi nos adresses préférées dans la capitale japonaise.