Parmi les destinations les plus paradisiaques au monde, les Philippines manquent rarement au classement. Roches calcaires, eaux turquoise et plages dorées, le pays possède le trio gagnant pour le parfait fond d’écran. Occupés par tant de merveilles terrestres, on en oublierait presque ce qu’il se passe sous la surface. Et combien il est important de protéger cet autre monde.
Je me souviens encore de la première fois que j’ai ouvert les yeux dans les eaux philippines. Notre bangka, petit bateau de pêche typique du pays, s’était glissé silencieusement le long des immenses falaises rocheuses de la baie de Coron avant de marquer un premier arrêt au milieu de nulle part. Le capitaine m’invita à enfiler mon masque pour explorer les eaux limpides et peu profondes qui s’étiraient sous l’embarcation. J’obéis. Et je fus subjuguée. Posées sur le sable, des centaines d’étoiles de mer bleues se la coulaient douce sous les rayons du soleil. S’en suivit un deuxième arrêt, un peu plus loin, qui se révéla tout aussi éblouissant. À la place du sable, un tapis de coraux multicolores qui servait de terrain de jeu et de place de marché à des milliers de poissons tout aussi apprêtés. J’ai eu la chance de découvrir de nombreux fonds marins, mais ce spectacle-ci me marqua tout particulièrement. Les couleurs étaient-elles plus intenses? L’écosystème plus riche? Ou était-ce l’émotion de trouver, à seulement quelques centimètres de la surface, un paysage marin aussi bien préservé? Une découverte réconfortante après avoir vu un trop grand nombre de cimetières coralliens peuplés de poissons gris.
Mais s’il suffit de mettre la tête sous l’eau pour assister à un tel festival, pourquoi s’embarrasser d’une combinaison qui colle et d’un fardeau de plusieurs kilos pour aller plus en profondeur? Parce que ce qui se trouve là-haut n’est qu’une mise en bouche. Parce que le spectacle ne fait que commencer. Et chaque recoin de l’archipel offre une représentation différente : situées dans le Triangle de Corail, qui renferme la plus grande biodiversité marine au monde, les Philippines englobent plus de 7600 îles. Autant d’écosystèmes et des milliers de sites de plongée qui en font l’une des destinations les plus réputées au monde.
En s’enfonçant dans les eaux de la baie de Coron, on découvre une dizaine d’épaves, parmi les mieux conservées au monde, transformées en cités aquatiques. Ces navires de plusieurs dizaines de mètres de long appartenaient autrefois à la flotte japonaise. Ils furent bombardés par l’aviation américaine lors d’un raid aérien pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, leurs couloirs, cuisines et salles des machines vivent une deuxième vie au service des hippocampes, rascasses, pieuvres, raies et requins.
Parmi les autres créatures extraordinaires qui peuplent les eaux du pays, l’une d’elles mérite à elle seule le voyage : le requin-baleine. Le plus grand poisson au monde. Un géant des mers qui peut mesurer jusqu’à vingt mètres de long. Étonnamment pour un tel gabarit, il se nourrit essentiellement de plancton et n’est pas plus agressif qu’un poisson rouge. Traqué pendant de nombreuses années, il est aujourd’hui menacé de disparition. Les Philippines en comptent environ 2000, la deuxième plus grande population au monde, en raison de leur route migratoire qui s’étire au large des côtes du pays.
Si la chasse aux requins-baleines est aujourd’hui interdite, ceux-ci sont désormais victimes du tourisme de masse. Sur l’île de Cebu, les pêcheurs ont reçu l’autorisation de les nourrir afin d’attirer les visiteurs. Avant la pandémie, des milliers de personnes venaient ainsi patauger en gilets de sauvetage au milieu des pauvres bêtes attirées par les appâts. Or, cette pratique perturbe leur comportement et leur habitat. Pour les admirer sans trop les déranger, il est important de choisir un site qui respecte leur cycle migratoire.
La liste des autres merveilles aquatiques des Philippines est longue : les tortues d’Apo island, les requins-renards de Malapascua, les quelque sept millions de sardines de Moalboal, ou encore les dugongs de Calauit, ces extraordinaires vaches marines herbivores qui paissent le plancher de l’île de Busuanga. Sans compter les extraordinaires organismes d’Anilao qui attirent des passionnés de macrophotographie venus des quatre coins du monde. Nudibranches multicolores, crevettes fantomatiques, poissons-grenouilles, syngnathes, rhinopias et hippocampes, autant de créatures troublantes, qui semblent surgir d’un autre temps, d’un autre monde, d’un milieu magique. Elles composent un univers qui nous est pour la plupart inconnu. Des profondeurs qui peuvent paraître, à premier abord, effrayantes, mais qui nous réservent en réalité des moments d’émerveillement sans égal.
Si ma première expérience des fonds marins philippins fut une épiphanie, elle cache toutefois une triste réalité : la disparition progressive de ces mêmes poissons et coraux qui m’ont paru en si bonne santé. Le pays a perdu un tiers de son récif corallien au cours de la dernière décennie. Une catastrophe environnementale due à la surpêche, à des pratiques destructives, à la pollution, à un manque de protection et au réchauffement climatique. Heureusement, de nombreux individus et organisations mènent chaque jour des actions pour sensibiliser les communautés locales, lutter contre le plastique et créer des sanctuaires marins. Des villageoises se sont même transformées en gardiennes des mangroves et leurs voisins pêcheurs en protecteurs des vaches marines. Il ne reste plus qu’à s’occuper du reste de la ferme.
Hôtels
Nos hôtels préférés aux Philippines ne se trouvent pas tous à proximité de sites de plongée, mais ils valent le détour si vous prévoyez un voyage dans la région.
Photographie par Nicole Richstein, Mike L, Anjeanette Guigue, et Hoang M Nguyen