Une Vérité Difficile à Entendre

Voyager est un impératif pour préserver la planète — les voyages nous aident à mieux comprendre le monde et son extraordinaire diversité. Mais de nos jours, le  » voyage durable  » n’est pas seulement contradictoire, c’est pratiquement impossible. Et il faut que cela change.

À la fin de l’année 1974, le cinéaste allemand Werner Herzog a parcouru près de 1000 km à pied, de Munich à Paris, pour rendre visite à un ami mourant. Il pensait que le fait de marcher pourrait peut-être aider son ami à rester en vie. Son périple glacé et enneigé a été documenté dans son livre Of Walking in Ice, publié en 1978.

En août 2019, l’activiste climatique Greta Thunberg a traversé l’Atlantique à bord d’un voilier fonctionnant sous l’action du vent, de panneaux solaires et de turbines sous- marines. Elle se rendait à New York pour assister au sommet des Nations Unies sur le climat. Le voyage a duré deux semaines et il n’y avait à bord ni cuisine, ni douche, ni toilettes.

Si vous avez besoin de parcourir une grande distance, mais vous souhaitez le faire de façon écologique, sans émission aucune, vous connaissez désormais, grâce à Werner et Greta, vos deux meilleures options de transport. Si vous voulez embrasser cette formidable philosophie écoresponsable tout en vivant une expérience agréable — hormis une poignée de voies ferrées, il ne vous reste plus beaucoup d’options. L’ironie dans tout cela, c’est que les voyages rendent incontestablement le monde meilleur — c’est l’un des moyens les plus efficaces de développer son empathie, de s’ouvrir aux autres cultures et de mieux comprendre les défis singuliers auxquels elles sont confrontées.

L’homme doit continuer à voyager. Et voyager de façon durable doit impérativement devenir plus facile.

Soneva Fushi boutique hotel in the Maldives
Soneva Fushi aux Maldives

Les Hôtels Écologiques

Nous avons abordé à plusieurs reprises ces derniers mois la relation complexe entre voyage et préoccupation environnementale. Nous avons évoqué les voyages en train à grande vitesse aux États-Unis et la frustration s qu’ils génèrent. Nous avons décrit les conséquences du changement climatique sur Venise et Porto Rico. Nous avons écrit sur la lutte pour la survie des régions sauvages d’Alaska et sur l’essor d’un tourisme apocalyptique partout dans le monde. Nous nous sommes même demandé si les réseaux sociaux n’allaient pas finir par détruire certains de nos lieux et de nos animaux préférés.

Mais nous n’avons pas encore abordé le rôle des hôtels dans la protection de la planète parce qu’en toute honnêteté, nous ne savions pas exactement comment traiter le sujet de la façon la plus appropriée. Il existe de nombreux hôtels fermement engagés à opérer de façon durable et en accord avec l’environnement, c’est le cas par exemple du groupe Six Senses, et ils devraient être applaudis pour leurs efforts. Six Senses Con Dao participe à la gestion d’un sanctuaire dédié aux tortues et offre une éducation environnementale et des connaissances pratiques aux enfants de l’île, tandis que le Six Senses Ninh Van Bay restaure les récifs coralliens et a mis en place un système de filtration qui permet désormais aux locaux de disposer d’eau potable. D’autres, comme l’hôtel Proximity Hotel de Greensboro, ont bâti leur réputation sur ce concept, avec pour objectif premier de répondre aux critères d’évaluation du LEED (Leadership in Energy and Environmental Design).

Mais cela suffira-t-il?

Prenez les Maldives. Cerné par l’océan et bâti dans le pays le plus proche de l’eau au monde, un hôtel comme le Soneva Fushi est loué, et à juste titre, pour ses matériaux recyclés, sa mesure scrupuleuse de ses émissions de carbone et son rôle de pionnier en matière de durabilité, disposant même d’une machine pour transformer le plastique en objets souvenirs. On aimerait pouvoir continuer à citer tous ces bons élèves et dire qu’ils sont en train de résoudre la crise écologique, une nuitée à la fois. Mais la vérité est que, quelle que soit l’implication du Soneva Fushi en termes de durabilité, attirer des touristes continue malheureusement à exercer une pression sur l’environnement.

Au-delà même de l’impact du tourisme de masse. Au-delà de la disparition des habitats naturels. À moins de suivre l’exemple de Greta, le simple fait d’aller aux Maldives est problématique.

Greta
Greta Thunberg

Voyage Aérien

Bien que le transport aérien ne contribue qu’à hauteur de 2,5% environ des émissions mondiales, il exerce une influence considérable parce qu’il est — comme l’a formulé un auteur en 2013 — le  » plus grand péché écologique “, à l’échelle individuelle, pour un grand nombre d’entre nous. En considérant la situation aujourd’hui, et si l’on tient compte d’une offre de plus en plus importante de voyages aériens à prix abordables, les émissions générées par les avions vont tripler d’ici 2050.

La solution la plus sage serait d’arrêter de prendre l’avion. Mais cette perspective est si difficile à envisager — comme beaucoup de propositions formulées face au changement climatique — qu’on en perdrait facilement de vue les véritables façons de contribuer à la solution. La plupart des gens n’abandonneront pas l’avion, pas plus qu’ils ne deviendront végétaliens.

Mais revenons un instant à Greta Thunberg. Pas plus tard qu’en décembre dernier, poursuivant son refus de prendre l’avion, la militante est rentrée de New York en Europe à bord d’un voilier, de façon à maintenir une empreinte carbone neutre. Pour la grande majorité d’entre nous, ce n’est pas une option. Ce n’est pas non plus une option que l’on voudrait envisager. Et c’est exactement ce que Greta Thunberg pointe du doigt, comme l’icône de 16 ans l’a expliqué à la presse :  » Je ne voyage pas comme ça parce que je voudrais que tout le monde en fasse autant. Je le fais pour faire passer le message qu’il est impossible aujourd’hui de vivre de façon durable, et cela doit changer. Il faut que ça devienne bien plus facile.”

Les actions de Greta Thunberg visent à forcer les gouvernements à prendre leurs responsabilités, à monter au créneau et à réduire drastiquement les émissions dans leurs pays. Et selon elle, tracer la voie à la sauvegarde de la planète nécessite des engagements majeurs, une restructuration fondamentale et la volonté de nations entières. La charité et l’engagement des citoyens et des petites entreprises sont encourageants et nécessaires, mais ils ne suffiront pas.

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Le voyage aérien est-il le plus grand péché écologique?

Compensation Carbone

La solution la plus populaire face aux émissions massives de carbone que génèrent les voyages en avion est ce qu’on appelle la compensation carbone. Comme toute solution au changement climatique, elle est critiquée et jugée contradictoire — mais à moins de s’abstenir de prendre l’avion, elle pourrait être votre meilleure option pour contrebalancer votre empreinte carbone avant le décollage.

Utilisée par de nombreuses grandes compagnies aériennes depuis une dizaine d’années, la compensation carbone consiste à financer des projets dans le monde visant à contrer les émissions de CO2.  » Il peut s’agir de projets axés sur le développement d’énergies renouvelables, la captation du méthane émise par les décharges ou le bétail, ou encore la distribution de cuisinières propres « , détaille cette experte. En achetant une compensation carbone pour votre vol, l’objectif est de soustraire de l’environnement la même quantité de CO2 que celle émise par votre avion.

Ce n’est pas quelque chose proposé uniquement par les compagnies aériennes. De nombreux sites et sources d’informations en ligne peuvent vous aider à calculer le coût en carburant de votre voyage, et vous orienter vers des projets de compensation chapeautés par Gold Standard auxquels vous pouvez contribuer individuellement.

Sur le papier, cela semble être une très bonne idée. Mais c’est justement là le problème. C’est honnêtement trop facile. Lorsque le concept de la compensation carbone a émergé en 2011, un auteur a qualifié cette pratique d’équivalent moderne à l’achat d’indulgences papales à l’époque du Moyen Âge, un moyen pratique de vous laver de votre culpabilité sans pour autant changer vos habitudes. Ce que les voyageurs  » doivent bien comprendre, souligne un professeur, c’est que le moyen le plus efficace de lutter contre le changement climatique est de cesser de polluer. Il n’y a pas de réduction absolue [de la pollution] quand on achète une compensation « .

Gorilla
Le tourisme des gorilles

Preservation Tourism

Beaucoup insistent sur le fait que les compagnies aériennes doivent réduire leurs émissions. À l’inverse, le fondateur de Beyond Green Travel — un cabinet de conseil spécialisé dans le tourisme durable — a publié un éditorial en novembre dans lequel il affirme que sans les voyages aériens porteurs de tourisme dans certaines régions du monde, les aides financières pour des projets de conservation disparaîtraient.  » Quand les communautés locales bénéficient du tourisme, elles deviennent des partenaires et des alliées dans la sauvegarde de la nature « , soutient Costas Christ.

Outre la Tanzanie et la Colombie, il perçoit également les effets positifs du tourisme au Rwanda et en Ouganda, où — comme nous l’avons rapporté en août dernier — l’industrie du tourisme est régulièrement  » louée pour financer la préservation des gorilles des montagnes, extrêmement menacés, ainsi que des écoles et des infrastructures pour les communautés locales « . Costas Christ défend les voyages aériens coûteux en carbone en utilisant pour argument les bénéfices de ce genre d’actions écologiques, en allant jusqu’à dire que “sans le tourisme, il serait facile d’imaginer le parc du Serengeti transformé en simple champ de bétail”.

Bien sûr, cet argument ne tient la route que si vous voyagez avec un tour-opérateur sensibilisé à la question et qui s’assure que l’argent du tourisme soit bien reversé aux communautés locales à des fins écologiques, et qui financera réellement la protection de l’environnement. C’est l’un des aspects positifs du monde du tourisme : les voyagistes prêts à vous proposer des guides et des expériences en lien avec la population locale et la préservation de l’environnement ne manquent pas. G Adventures, Adventure Alternative et bien d’autres mettent en avant un tourisme éthique et durable à travers le monde. C’est une façon pour vous de voyager tout en vous engageant à protéger la planète.

Mais il est évident que le tourisme de préservation, aussi réparateur soit-il dans certaines régions du monde, ne justifie pas la multiplication des vols à destination de grands centres urbains. La préservation du gorille des montagnes a bon dos, mais pas trop.

Proximity Hotel in Greensboro
Le Proximity Hotel à Greensboro en Caroline du Nord Révolution Environnementale

Environmental Revolution

Le fait que les discussions sur l’équation voyage-environnement soient constamment ponctuées de termes bibliques reflétant la nature apocalyptique de la situation en dit long. Le voyage aérien est le « plus grand péché écologique ». Les compensations sont les “indulgences » des temps modernes. Pendant ce temps, les critiques des écotouristes tournent sensibilité et engagement environnementaux en complexe du messie.

En octobre, après une analyse réalisée sur les recherches des voyageurs, le site Booking.com a montré qu’un certain nombre d’entre eux évitaient spécifiquement les hôtels répertoriés comme écologiques. Qu’ils aient craint un séjour de moindre qualité dans un hôtel écofriendly ou qu’ils associent ce genre de séjours, non sans un certain cynisme, aux embrasseurs d’arbre, ces résultats prouvent que le chemin est encore long (et que tout le monde ne voit pas encore la planète à deux doigts du jugement dernier).

Faire naître une véritable prise de conscience est la première étape, et elle est cruciale. Une étape qui exige des efforts à petites et grandes échelles — de la compensation carbone et dons pour le climat jusqu’aux accords internationaux historiques.

L’un des points de départ est l’attention portée par des militants comme Greta Thunberg. Selon le Guardian, c’est  » l’effet Greta Thunberg  » qui a  » stimulé la demande en programmes de compensation carbone  » ces dernières années. En espérant qu’il conduira a bien plus encore. Les gouvernements doivent prendre les rênes de ce combat et adopter des politiques qui encouragent l’innovation et refondent profondément le cadre fondamental de notre interaction avec le monde naturel. Travailler à la préservation de la planète devrait être une priorité à travers l’ensemble de la société, et non la préoccupation d’une poignée.

Rien sur cette planète n’est garanti. Même pas cette planète. Il suffit de jeter un oeil au reste de notre système solaire pour voir à quel point les chances d’une vie planétaire sont minces. Dans ce grand jeu cosmique, il ne faudrait pas grand-chose pour que tout cela disparaisse.

Chaque petite action compte — mais rien ne pèse autant qu’une révolution. Alors réduisez la fréquence de vos voyages en avion si vous le pouvez. Prenez le train quand cela est possible. Optez plus souvent pour des hôtels écologiques. Faites tout cela et bien plus encore — mais continuez aussi à faire pression sur votre gouvernement et ses représentants. Dites-leur que vivre de façon durable doit être plus simple. Et ne vous laissez pas décourager par ceux qui prônent le statu quo. Le changement sera lent, mais le statu quo se transformera en planète durable.

 

Que pouvons-nous faire pour aider?

Il est difficile de voyager de façon durable, mais il est encore plus difficile d’établir des relations avec des personnes et des lieux inconnus. En tant que compagnie qui célèbre l’hôtellerie et l’hospitalité, nous vous invitons à voyager et à explorer toutes les cultures, mais nous voulons aussi adopter des principes de durabilité et jouer notre rôle dans la préservation de notre planète. Dans les commentaires ci-dessous, dites-nous ce qui est le plus susceptible de vous intéresser parmi les options de voyage plus écologiques que nous pourrions vous proposer.

Laquelle de ces initiatives seriez-vous le plus enclin à adopter si elles étaient disponibles sur Tablet?