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Le Manoir de Thorngrove se rebelle contre le copier-coller

Le Manoir de Thorngrove a ouvert ses portes en 1984 en réponse aux fades et banales chaînes hôtelières de l’époque. Aujourd’hui, alors que les hôtels boutiques tendent à l’uniformisation, la mission de château excentrique d’Australie du Sud reste la même.

Les hôtels boutiques sont devenus la norme. Mais avant que les grandes chaînes n’entrent en jeu et ne brouillent les pistes en faisant de l’« hôtel boutique » la tendance dominante, celui-ci était synonyme de rébellion et de création singulière, il représentait l’hôtel conçu avec amour, une création artistique plus qu’un simple hébergement.

Un hôtel comme le manoir de Thorngrove, érigé dans les collines d’Adélaïde, en Australie.

Thorngrove Manor — véritable millefeuille de détails architecturaux flanqué de multiples tours et tourelles — est une riche et glorieuse réminiscence de l’époque qui a vu naître les premiers hôtels boutiques à travers le monde, un mouvement apparu en réaction à une industrie perdue dans sa monotonie.

Des hôtels comme le manoir de Thorngrove sont la raison même de notre existence, la raison pour laquelle vous êtes ici, en train de nous lire. Dans les années 80, ces hôtels ont pris le risque d’oser quelque chose de nouveau, des formats différents qui ont conduit, dans les années 2000, à la prolifération d’hôtels uniques et fascinants. Nydia , co-propriétaire du Thorngrove avec son mari Kenneth, partage sa vision du paysage hospitalier en 1984 : la plupart des hôtels étaient standardisés. Reproductibles. « A l’emporte-pièce ».

Le manoir de Thorngrove est tout sauf cela : c’est un château de style gothique qui fourmille de réalisations artisanales et de pièces d’antiquaire uniques. Il est, par la nature même de son contenu, impossible à reproduire.

L’Extérieur

« L’image du conte de fées est un peu embarrassante. »

Thorngrove Manor

Thorngrove Manor

Thorngrove Manor
De haut en bas : le manoir à l’heure dorée; vue extérieure de la bien nommée « Chambre de la Tour »; les jardins cernés par les ormes.

Le manoir de Thorngrove évoque inévitablement le « conte de fées ». Avec ses tours et tourelles, il nous replonge en enfance. D’un point de vue architectural, il semble d’ailleurs impossible à situer dans le temps. Si Nydia accepte noblement tout qualificatif qui donnerait envie de venir découvrir l’œuvre de leur vie, elle admet que « l’image du conte de fées est un peu embarrassante. »

Il faut dire que les Lehmann n’ont pas calqué leur architecture sur celles des livres fantastiques. Les châteaux gothiques ne figurent certes pas au patrimoine architectural de l’Australie méridionale, mais leur concept s’ancre d’une certaine façon dans la tradition locale.

« Parmi les propriétés voisines, l’une exhibe une tour baronniale écossaise et l’autre un clocher en pierre », souligne Nydia.

Car comme l’a formulé un auteur de la région, les premiers colons ont rapidement adopté l’idée selon laquelle « l’opulence est ce qui marche le mieux ». Nydia explique : « pour les colons, posséder une majestueuse maison de campagne était un marqueur de réussite », et cette conception du succès est restée. Ils voulaient réussir dans la vie, et le montrer. Ils voulaient s’impressionner mutuellement « en concevant des résidences imposantes, baroques, aux influences gothiques. »

Le manoir de Thorngrove a ainsi été conçu comme l’expression architecturale de ces hautes aspirations.

Ce n’est pas un château de conte de fées, mais un château unique du sud de l’Australie.

Les Intérieurs

« Atteindre l’intemporalité n’est pas chose facile. »

Thorngrove Manor

Thorngrove Manor

Thorngrove Manor
De haut en bas : l’Observatoire; des éléments de décoration de la Chambre du Roi, dont l’une des nombreuses horloges antiques de la propriété; la Chambre de la Reine.

Si l’attribut « conte de fées » n’honore pas suffisamment l’architecture extérieure, il sous-estime gravement les intérieurs. Le temps, les efforts et l’attention portés à l’esthétique n’ont rien de magique, ils sont le fruit d’un dur labeur. Les Lehmann ont tout créé, ils ont conçu eux-mêmes les ornements et ont amassé chacune des antiquités dont les noms sont si complexes, composés d’adjectifs et de traits d’union multiples, qu’il est nécessaire de prendre une grande respiration avant de les énumérer.

« L’idée était de créer une oeuvre d’art architecturale, un lieu qui puisse être à la fois vu et vécu, contrairement aux hôtels d’art actuels qui accrochent des tableaux au mur, souvent dans le but de les vendre. » Ce qui est sûr, c’est que les trésors qui se trouvent à l’intérieur ne sont pas à vendre. Mais les anecdotes ne manquent pas. Un jour, un visiteur est tombé sous le charme d’un vitrail des années 1860 composé de quatre panneaux de quatre mètres de haut (!) qui avait été commissionné par la Chambre des Lords.

Lui-même Écossais, il a alors demandé s’il pouvait en faire l’acquisition.

Impossible. Chacune des pièces qui composent le manoir participe de l’histoire singulière que les Lehmann veulent transmettre à leurs visiteurs, ils cherchent à éveiller « leur sensibilité et leur imagination » à travers l’intemporalité d’une collection unique.

Thorngrove Manor
La Chambre du Château

Comment réussir cette noble mission, c’est l’affaire de l’hôtellerie d’auteur. Après avoir modelé leur propriété pendant plus de trente ans, les propriétaires-architectes-décorateurs « savent instinctivement ce qui convient » à chaque espace, qu’il s’agisse d’une horloge vintage ou d’une broderie de soie. Ils sont également guidés par la philosophie de William Morris, artiste du 19e siècle et fondateur du mouvement Arts et Artisanats, pour qui le concepteur d’un objet devait également s’occuper de sa fabrication.

Un grand nombre des créations les plus étonnantes du manoir de Thorngrove ont été créées par Kenneth lui-même. Parmi les plus impressionnantes, un faux plafond dans la Chambre de la Reine, « composé de 3 600 pièces de plâtre moulées individuellement, chacune d’elles ayant été fabriquée et reproduite » de sa propre main.

Les Suites

« Les antiquités sont souvent difficiles à intégrer dans des espaces préexistants. »

Thorngrove Manor

Thorngrove Manor

Thorngrove Manor
De haut en bas : chaque suite dispose de sa propre entrée; sculpture héraldique en forme de lion, des cassolettes antiques, et le faux plafond réalisé à la main dans la Chambre de la Reine.

Le fait qu’une seule et même personne (ou en l’occurence deux ici) joue à la fois les rôles de propriétaire, d’architecte et de décorateur est un avantage de taille, en particulier dans les premières étapes de la conception hôtelière. En temps normal, il se peut que l’architecte ait des objectifs entièrement différents de ceux du décorateur d’intérieur. Ici, leurs visions sont inextricablement liées.

Cela fut particulièrement aidant pour la conception des cinq suites, où de grands espaces étaient nécessaires afin d’accueillir les imposantes oeuvres imaginées par Nydia et Kenneth. Car comme le dit Nydia, « les antiquités sont souvent difficiles à intégrer dans des espaces préexistants. »

En sachant précisément ce qu’ils voulaient avant de finaliser la construction de ces pièces, le design et l’architecture ont pu être conçu de paire. La statue d’August Moreau dans la Chambre de la Tour a ainsi été hissée à l’intérieur avant qu’une fenêtre casse-pied ne vienne compliquer la manoeuvre. Les colonnes murales de la Chambre de la Reine ont pu également être construites de façon à pouvoir intégrer parfaitement l’armoire antique. Et dans la Chambre du Roi, ce n’est pas un hasard si le précieux vitrail Ballantine – le trésor préféré de Nydia – se loge parfaitement au creux de la fenêtre.

Lorsque l’on interroge Nydia sur leur manière de procéder, elle souligne que l’objectif de toute cette orchestration ne vise pas à amasser le plus de trésors possibles. Il y a suffisamment d’espace entre le mobilier pour pouvoir respirer. L’objectif n’est pas non plus d’en mettre plein la vue, mais d’inviter les visiteurs à réfléchir à la manière dont le décor les touche, de proposer un « voyage sensoriel » à travers les différents espaces.

L’alternance des matières, les jeux d’ombre et de lumière, tout cela est soigneusement réfléchi, pensé avec pour objectif de « parvenir à un résultat final qui soit à la fois esthétique, fonctionnel et artistique ».

En Constante Evolution

« Le défi est de trouver la pièce parfaite. »

Thorngrove Manor

Thorngrove Manor

Thorngrove Manor
De haut en bas : le pare-feu et le vitrail Ballantine dans la Chambre du Roi; la Salle de la Tour et sa statue antique en bronze d’Auguste Moreau.

Et même si l’équilibre parfait est trouvé, la création ne s’arrête jamais. Les intérieurs sont vivants et aérés, toujours sujets à des changements en fonction des objets chinés par Nydia et Kenneth au cours de leurs voyages à travers le monde. Les pièces « non-négociables » sont peu nombreuses et, outre les créations de Kenneth et les lits anciens, ils échangent tout ce qui leur semble nécessaire.

« C’est un long et lent travail », dit Nydia. « Le défi est de trouver la pièce parfaite. » Heureusement, Kenneth et Nydia peuvent compter sur quelques outils que n’avait pas William Morris. Ils utilisent beaucoup internet et lorsqu’ils dénichent quelque chose, ils travaillent souvent avec une agence gouvernementale appelée Artlab qui les aide à restaurer et à conserver au mieux leurs trouvailles.

La dernière pièce importée remonte à 2019, une table française dorée dénichée chez un antiquaire du Lincolnshire. Aujourd’hui, ils sont impatients d’y ajouter une nouvelle acquisition, une horloge française à suspension en soie datant de 1820, une pièce qui a même suscité l’admiration de leur horloger. Ainsi qu’une broderie en soie de la même année, dont la restauration du cadre a été retardée par la fermeture du laboratoire suite à la pandémie.

Et malgré le ralentissement provoqué par le COVID-19, Nydia et Kenneth ne se découragent pas. Ils utilisent ce temps libre pour compléter des livrets illustrés qui détaillent le contenu de chaque suite en y intégrant des informations sur toutes les pièces qui s’y trouvent. Une façon, comme toujours, d’éclairer leurs invités et « d’étayer l’expérience » offerte par le Thorngrove.

Différent, Encore et Toujours

« Les hôtels boutiques tendent à l’uniformisation. »

Thorngrove Manor
Toutes les entrées ne se ressemblent pas.

Si l’évolution est nécessaire, elle ne succombe jamais à la tendance. Quand les Lehmann ont ouvert leur manoir, la propriété a surgi comme un sommet accidenté au milieu d’un paysage hôtelier monotone. Aujourd’hui, la révolution des hôtels boutiques a redessiné ce paysage : il est plus riche, plus coloré, traversé de pics et de vallées pour plaire à chacun.

Et pourtant, le manoir de Thorngrove continue à se démarquer. Alors qu’ils prolifèrent à travers le monde, Nydia observe que « les hôtels boutiques tendent à l’uniformisation ». Selon elle, il existe des méga-chaînes d’hôtels boutiques qui se disent « boutiques » dès lors qu’ils ne sont entièrement lisses. Même les chaînes plus petites et plus sophistiquées cherchent de plus en plus à se construire une marque déclinable dans le monde entier.

Le manoir de Thorngrove, lui, n’a rien d’une marque déclinable. Il ne pourra jamais avoir d’extensions à travers le monde ni être reproduit, pas même une fois — même si vous rameniez William Morris à la vie et le faisiez grandir à Adélaïde. D’une certaine façon, le Thorngrove existe en réaction à la fois au manque d’hôtels boutiques autrefois et à leur foisonnement aujourd’hui. Il se démarquait alors, il se démarque encore aujourd’hui. Et il existe une seule explication à cela : il est intemporel.

Thorngrove Manor

 

Thorngrove Manor

 

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Lorsque vous aurez à nouveau la possibilité de voyager, si vous prévoyez un séjour dans le sud de l’Australie, n’oubliez pas de jeter un oeil au Thorngrove Manor, situé à seulement vingt minutes du centre-ville d’Adélaïde.