L’Hotel Chelsea est de retour. Ce symbole new-yorkais qui a accueilli tant de célébrités de la ville a été réinventé et se dévoile peu à peu. En voici un petit aperçu en avant-première.
The L’Hotel Chelsea est de ces lieux où l’on peut retrouver l’âge d’or de New York ; de ceux dont on se dit qu’on aurait aimé y être, à l’époque où tout se passait, avant que tout ne change, avant que les banques, les Starbucks et autres cours de pilates n’envahissent les rues. A première vue, l’histoire du Chelsea ressemble à un conte de fées, comme si toutes les planètes s’étaient alignées pour en faire un succès retentissant. Pourtant, si à son apogée il était fréquenté par une clientèle prestigieuse, l’hôtel lui-même n’était pas tout à fait un établissement haut-de-gamme. Certaines chambres, comme celle occupée par Leonard Cohen lors de son aventure avec Janis Joplin, et immortalisée par la chanson « Chelsea Hotel #2 », étaient, même selon les standards de 1968, dans un piteux état ; et les choses n’ont pas beaucoup évolué au cours des années suivantes.
Mais tout cela n’a jamais eu d’importance. Dans son essai The Chelsea Affect, Arthur Miller l’a décrit comme une « maison à l’infinie tolérance » où les femmes de ménage passaient rarement l’aspirateur. Chaque chambre porte l’empreinte de ses occupants, faisant de l’hôtel un incroyable mélange bigarré de styles qui s’est construit autour de l’établissement d’origine. C’est l’âme et la créativité de ses occupants qui a fait de cet hôtel une légende, tout comme les lofts de Soho dans les années 80, les petits immeubles de Greenwich Village dans les années 60, ou encore les entrepôts de Williamsburg dans les années 2000. La nostalgie de ces temps-là, c’est celle de la jeunesse, de cette époque où le besoin de confort s’effaçait devant l’envie d’aventure et le frisson d’ignorer ce qui pourrait se passer ensuite.
Mais voudrait-on vraiment revenir à cette époque ? Ou simplement y flâner en touriste, en s’affranchissant de ses aspects désagréables ? Certes, c’est bien à l’Hotel Chelsea que Bob Dylan est resté sans dormir pendant des jours pour écrire « Sad Eyed Lady of the Lowlands » pour sa nouvelle épouse Sara, que Miller a ressuscité le fantôme de Marilyn Monroe grâce à sa pièce After the Fall, et que Patti Smith a séjourné avec Robert Mapplethorpe ; mais c’est aussi là que Dee Dee Ramone attirait les héroïnomanes, que Dylan Thomas a passé ses derniers jours de tourmente, et que Nancy Spungen s’est vidée de son sang après une blessure au couteau au niveau de l’estomac. Voudrait-on vraiment revivre cette époque ?
Autant de questions que le nouvel Hotel Chelsea incite à se poser. Pas directement, mais simplement parce que cet hôtel emblématique a irrévocablement changé, réinventé par les célèbres hôteliers Sean MacPherson, Ira Drukier, et Richard Born, pour devenir un de ces hôtels boutique de luxe incroyablement tendances dont ces derniers ont le secret. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce virage a été très controversé. Un nombre incalculable de personnes (en particulier ses locataires de longue date) voulaient que l’hôtel reste exactement comme il était, accessible à toute une nouvelle génération d’artistes ; un objectif respectable, que nous même pourrions soutenir, si tant est qu’il ait jamais été réellement poursuivi. La ville de New York n’est plus ce qu’elle était, et même ses lieux historiques ont changé. Dans le New York du 21e s., l’évolution de l’Hotel Chelsea était attendue, tout comme au début du 20e s. il a cessé d’être une coopérative d’habitation pour devenir un hôtel long séjour.
C’est finalement cette histoire sur laquelle s’appuient ses nouveaux propriétaires. Une histoire riche et longue, qui remonte bien avant ses années bohème. S’il ne renie pas sa mythique identité pop, il ne s’y enchaîne pas non plus. Il s’agit là d’un nouveau départ pour l’hôtel, une nouvelle chance de construire un nouveau siècle d’histoire culturelle. Le fait de savoir si oui ou non il aurait dû être changé, ce n’est pas notre sujet. Nous rendons hommage aux hôtels, et l’inauguration du nouveau Chelsea est l’une des plus attendues des dernières décennies.
L’histoire hôtelière américaine n’est pas aussi prestigieuse que celle de pays plus anciens. Soyons honnêtes : ses établissements les plus célèbres ont souvent bâti leur renommée davantage sur le comportement indécent de ses célèbres occupants que sur leur riche histoire ou leur noblesse. L’Hotel Chelsea mêle cette histoire libertine à un impressionnant palmarès artistique. Outre la participation de Dylan et Miller, Thomas Wolfe y a écrit You Can’t Go Home Again; Jack Kerouac y a imaginé des parties de Sur la route there. Warhol a filmé des scènes ici, et Arthur C. Clarke y a travaillé sur le scénario de 2001 : l’odyssée de l’espace. Et la liste est encore longue !
En suivant l’histoire de l’hôtel, on peut retracer celle de la culture pop américaine, de Mark Twain jusqu’à Madonna, avec des protagonistes qui ont tous séjourné à l’Hotel Chelsea, et qui l’ont pour beaucoup décrit en des termes étincelants, parfois apocalyptiques, mais qui dépeignent toujours l’image d’une communauté vibrante et créative traversant les époques. Mais la dernière décennie n’a pas suivi la même trame : après sa vente en 2011, il est passé de mains et mains, monument historique à l’histoire séculaire laissé à l’abandon. Ce n’est qu’aujourd’hui, en 2022, entre les mains de propriétaires d’autres établissement vedette de Tablet comme the Maritime et the Bowery, qu’il est redevenu l’un des plus exaltants « nouveaux » hôtels anciens de New York City.
Mais tout n’a pas changé au Chelsea. Le lobby, un peu moins chaotique qu’il ne l’était, reste un patchwork d’œuvres modernes et abstraites, de présents d’anciens visiteurs et locataires qui, au fil des années, ont payé leur séjour avec des peintures quand leurs poches étaient vides. A l’étage, vous ne trouverez peut-être pas William Burroughs en train de marmonner dans les couloirs, mais des chambres ornées de pièces de la splendide collection de l’hôtel, qui conservent l’esprit des lieux mais avec un design un brin plus soigné.
Il y a aussi un autre aspect, bien plus important, qui n’a pas changé. Certains occupants de longue date sont restés au Chelsea et y vivent indépendamment de l’hôtel, dans des appartements au loyer gelé qui tranchent avec le nouveau décor de l’hôtel, témoignant chacun de décennies d’occupation continue. Une concession qui semble juste ; après tout, la bâtisse, qui était autrefois l’une des plus hautes de New York, a été l’une des toutes premières coopératives d’habitation à l’époque où celles-ci représentaient un idéal égalitaire plutôt qu’une dérive autoritaire.
Dans les années 1880, l’architecte Philip Hubert s’est efforcé de donner vie au projet de société idéale de l’utopiste philosophe Charles Fourier à travers un bâtiment rassemblant des appartements qui furent construits et pensés dans un esprit d’équité. Fiers de leur projet, les bâtisseurs ont opté pour une multitude de cheminées baroques en marbre blanc, des mosaïques mauresques, de hauts plafonds et des escaliers inondés de lumière. Le résultat : une résidence somptueuse proche du paradis. Les autres unités devaient être confiés à des occupants représentant toutes les couches de la société.
Tout comme les autres expériences utopiques du 19e s., la Chelsea Association a disparu avant d’avoir atteint le nirvana, et la résidence est devenue un hôtel à la faveur de la crise économique. Mais ses appartements aux formes étranges, aux dimensions et aux loyers variés, font partie intégrante de son identité et ont été redécoupés, rassemblés et réorganisés au fur et à mesure de ses métamorphoses successives.
L’Hotel Chelsea est toujours en cours de rénovation. Actuellement, il est possible de réserver à des tarifs modiques comparé à ce qu’ils seront une fois l’entreprise achevée, avec l’arrivée prochaine d’un spa sur le toit, d’un nouveau restaurant et de nouveaux logements. La Tea Room, qui a longtemps tenu lieu de bureau du propriétaire et gérant Stanley Bard, a été restaurée mais n’accueille pas encore la nouvelle réception de l’hôtel : pour l’instant, on y stocke les œuvres d’art retrouvées dans l’hôtel, créations abandonnées dans une splendide salle surmontée d’une peinture au plafond. Voilà qui dépeint parfaitement la richesse de ce lieu, même dans ses recoins les moins glorieux.
Quant aux sections achevées, elles témoignent clairement de la volonté des nouveaux propriétaires de rendre à la bâtisse d’origine une partie de sa grandeur passée. Et aujourd’hui, ses 155 chambres reflètent la diversité de l’établissement d’antan avec (seulement!) quatorze catégories de chambres, du « Studio queen » pour une personne au « Studio pied-à-terre » composé de deux chambres, ce dernier disposant d’une cuisine complète avec lave-linge et sèche-linge. Le bar du lobby conserve son carrelage au sol et ses plafonds d’origine, qui seront complétés par des boiseries aux murs et de nouveaux solariums. El Quijote, le fameux bar qui symbolise le Chelsea, a été aussi restauré, et offre un superbe espace plein de caractère avec, au mur, une photographie de Burroughs et Warhol dînant ici-même.
Dans les meilleures chambres, cheminées et vitraux ont été rénovés. Mais ce sont les balcons en fer forgé enrobant l’emblématique façade rouge du Chelsea qui offrent un témoignage poétique de l’ancien hôtel. A l’origine, les balcons étaient connus pour laisser les animaux domestiques passer d’une chambre à l’autre ; aujourd’hui, ces magnifiques espaces extérieurs font la fierté de l’hôtel, qui s’efforce toutefois d’y mettre des limites et d’assurer l’intimité de chacun. Voilà qui reflète parfaitement l’essence du nouvel Hotel Chelsea.
Réserver L’Hotel Chelsea sur Tablet Hotels.
Photographie par Annie Schlechter et Eric Medsker